NOBODY IS A PICTURE PERFECT

Leven était, pour tous, une enfant parfaite, tout comme sa soeur Beth. Si les habitants de Little Bay pensaient tous ainsi, c'était surement parce qu'elle était la fille du maire de la ville et qu'elle s'était toujours montré sage et mature auprès de tout le monde. Mais qu'aurait dit les gens s'ils connaissaient l'autre personnalité de Leven. Parce que oui, Leven n'était qu'une jeune fille de dix-neuf, ayant de nombreuses envies, comme celle de sortir et de s'amuser. Après tout, c'était ce que voulait toutes les filles à cet âge, non ? Elle avait beau se comporter telle une adulte en présence de personne importante, elle n'en était pas moins une jeune fille.

Ce soir-là donc -ou plutôt cette nuit-là- Leven avait dit à sa mère qu'elle partait se coucher et, aux alentours d'une heure du matin, elle avait descendu la gouttière à côté de sa fenêtre, comme elle savait si bien le faire, pour faire le mur et gambader dans une ville qui, tout de même, n'avait rien de très amusant. Pas de night club, pas ou peu de soirées. Leven décida tout de même de sortir ce soir-là, et de se rendre dans le parc de Little Bay. Elle n'avait pas vraiment de mauvaises intentions, elle voulait juste sortir un peu, et n'avoir personne sur son dos, ni de "Soit à la maison pour vingt et une heures !". Ce n'était pas le genre à boire jusqu'à en vomir, et encore moins à se droguer. Elle voulait juste se sentir un peu libre, et enfreindre un peu les règles. Elle arriva vite au parc, à peine quelques minutes après avoir quitté la maison. L'endroit était parfaitement calme et désert. Enfin, c'est ce qu'elle croyait. Elle se promena un petit peu, profitant du calme de la nuit pour réfléchir, tout en suivant le sentier principal du parc. C'est là que, sur le banc, elle le vit. Lui. Lui, c'était Séraphin Dombreval, un jeune homme que Leven fréquentait, en toute amitié bien sûr -ou presque- et qui était, d'après ce qu'il disait, un simple touriste présent pour la période de Noël. Ils s'étaient rencontrés quelques jours plus tôt, et Leven avait pour ainsi dire craqué pour le charisme fou qu'avait le jeune. Mais voilà, il avait vingt-deux ans, et elle n'avait que dix-neuf ans. Pour éviter donc de passer pour une gamine, elle avait donc menti. Ou plutôt, transformait la vérité. Leven avait dit à Séraphin qu'elle avait vingt-et-un ans, au lieu de dix-neuf, et elle ne voyait pas comment revenir sur sa parole maintenant. Elle allait donc devoir jouer une Leven de vingt-et-un ans avec le jeune homme. Elle s'approcha finalement de lui. "Eh, salut beau brun." dit-elle avant de s'asseoir près de lui, assez prêt pour que leurs genoux se touchent.

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Leven ne pu s'empêcher un ricanement. C'était l'effet qu'il lui faisait, très souvent. Quand il était près d'elle, elle oubliait souvent ses soucis et ses embrouilles, et se laissait emporter par les mots doux et les sourires charmeurs du beau Séraphin. Elle fut légèrement surprise de sentir son bras passer autour de ses fines épaules, mais elle sourit simplement, comme si cela était naturel. Elle ne le connaissait que depuis quelques jours, mais depuis le début, ce petit jeu lui plaisait affreusement. Charmer sans jamais craquer, ne rien laisser paraître. Elle adorait jouer avec le feu comme ça, tout en sachant que ce n'était rien de sérieux puisque, à la fin des vacances, le jeune homme quitterait la ville. "J'avais envie de me promener, dit-elle d'une voix douce et franche. Je ne m'attendais pas à faire une rencontre si ... plaisante." Leven fit un petit sourire, fixant le parc pour éviter de croiser le regard du beau brun. Pour être honnête, il lui faisait tellement d'effet. Mais ça, elle ne voulait pas l'avouer. Ni même se l'avouer à elle-même. Elle voulait que tout cela reste un jeu, et surtout pas une relation ridicule où l'on s'amourache bêtement. Non merci, elle avait déjà donné. Mais au fond d'elle, dès que son regard croisait celui de Séraphin, elle sentait son coeur battre un peu plus fort. Même si elle ne l'avouait pas, elle savait bien que cette histoire était dangereuse. Leven posa gracieusement sa main sur la cuisse de Séraphin avant de la descendre lentement jusqu'à son genou. Finalement, elle regarda le jeune homme et fit un petit sourire, un peu timide. "Comment tu vas ?" demanda-t-elle. Leven avait remarqué la distance -ou plutôt le manque de distance- entre leurs corps ainsi que leurs visages, mais elle ne recula pas pour autant, essayant de se concentrer sur les yeux de Séraphin plutôt que sur ses lèvres qu'elle mourrait d'envie d'embrasser.

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Leven resta là, à fixer Séraphin pendant qu'il parlait. Elle s'efforçait de ne pas regarder ses lèvres, mais c'était pourtant si dur. Elle ouvra doucement la bouche pour parler. "Je vais bien." dit-elle tout doucement avant de sourire. Elle détourna finalement son regard de beau jeune homme, regardant de nouveau le parc devant elle. Elle appuya son dos sur le dossier du banc, laissant son corps proche de celui de Séraphin. Elle adorait le sentir si près d'elle, ça lui donnait des frisons. Elle savait que cette relation -ou du moins, ce qu'il y avait entre eux- était interdit. Ou tout du moins, pouvait l'être. Qu'aurait dit sa mère ou encore sa soeur, si elles savaient ? Elles n'approuveraient surement pas. Oh, non. Surtout Beth, à vrai dire. Les soeurs avaient beau être proches, Beth était trop parfaite pour comprendre une telle histoire. C'était toujours comme ça avec Beth. Et sa mère, elle ne voulait même pas imager sa réaction. Sa famille était en crise, et elle espérait vraiment que personne n'apprenne pour elle et Séraphin. "Je vais bien, reprit-elle d'un ton taquin, mais il fait quand même un peu froid." Elle lança un regard à Séraphin, avec un petit sourire. Elle savait que ce petit jeu était dangereux. Pour sa famille, pour elle, pour lui. Oui, mais dès qu'elle était avec lui, elle ne pensait plus à rien. Elle ne pensait plus à Boyd et Beth qui ne s'entendait plus depuis que Boyd était sorti avec un garçon. Elle ne pensait plus à ses parents qui se disputaient sans cesse alors qu'elle ne savait pas pourquoi. Elle ne pensait plus à Cade, son ex-copain, qui l'avait trompé et lui avait si méchamment brisé le coeur. Elle ne pensait plus à rien d'autre qu'à leur petit jeu. Ou peut-être n'était-ce pas tellement un jeu. Peut-être que, tout simplement, elle appréciait la compagnie de Séraphin. Peut-être que, finalement, c'était lui qui allait l'aider à passer à travers tous les soucis qu'elle avait. Peut-être, peut-être. Elle arrêta de penser à ça. C'était ridicule. Après tout, il n'était là que pour quelques semaines. De plus, elle ne savait rien sur lui, et il ne savait rien sur elle. Hormis son nom, et son âge. Ou plutôt, son faux âge. Vingt-et-un ans, quelle blague ! Comme si elle faisait vingt-et-un ans. Ce mensonge était, à son goût, le mensonge le plus ridicule qu'elle avait dit. Et pourtant, il semblait y croire. Comment est-ce possible ?

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Leven frémit un peu à la sensation du corps de Séraphin encore plus près du sien. Son idée avait marché. Après tout, il en avait surement envie, non ? Elle fit un petit sourire. "C'est mieux ainsi." murmura-t-elle, ce blottissant un peu plus contre lui. Après tout, il n'y avait rien à risquer. Il n'allait pas rester là éternellement. Dans quelques jours, il serait parti. Tous deux retourneraient à leur petite vie, tout simplement, en oubliant ce qu'il s'était passé pendant les vacances de Noël. Si cela c'était si facile, pensa-t-elle. Mais non, ça ne l'était pas. Une partie d'elle ne voulait absolument pas le laisser partir. Elle voulait qu'il reste ici, avec elle. Elle voulait pouvoir oublier tous les soucis qu'elle avait et que Séraphin avait l'art de faire disparaître en une fraction de secondes. "Oui, c'est dommage." répondit-elle, alors qu'elle savait au fond d'elle que c'était bien plus qu'un simple dommage. Après les vacances, elle allait devoir retourner à sa vie de petite fille parfaite, cette vie qu'elle détestait tant. "T'es sûre que tu dois partir ?" finit-elle par ajouter. Elle n'aurait peut-être pas dû dire ça. Elle passait pour la fille qui s'attachait et qui ne voulait pas le laisser partir. Lui, il ne voulait surement rien de sérieux de toute façon. Et puis, ce n'était pas mature. Est-ce qu'une fille de vingt-et-un ans disait des choses comme ça ?